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Face aux enjeux environnementaux, la riziculture chilienne entame sa mue

Consommation d'eau et émissions de méthanes sont réduites avec cette variété de riz.

Le Chili a développé une nouvelle espèce de riz plus résistante et plus précoce, que les agriculteurs cultivent en adoptant des pratiques agronomiques plus sobres.

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Sur une parcelle d’un champ de Ñiquén, une commune située à environ 400 km au sud de Santiago, la capitale, plusieurs milliers de tiges d’une cinquantaine de centimètres s’épanouissent dans un sol sec. Devant les multiples grains de riz qu’elle aperçoit déjà à l’intérieur des panicules, Karla Cordero ne cache pas son enthousiasme. « C’est une révolution qui commence », assure la scientifique, qui dirige depuis plus de 20 ans le programme d’amélioration génétique du riz de l’Institut national de recherche agricole.

Ce dernier a mis au point une nouvelle espèce de riz, baptisée Jaspe. Issue d’un croisement effectué il y a une douzaine d’années entre une ligne génétique chilienne et une ligne russe, elle révèle à peine son incroyable potentiel. Capable de résister aussi bien au froid qu’aux épisodes de sécheresse, le riz Jaspe s’avère également plus précoce. Pour arriver à maturité, il n’a besoin que de 140 jours, contre 170 habituellement. « Nous avons réussi à trouver la combinaison magique : réduire le cycle sans perdre en productivité », s’émerveille la chercheuse.

Réduction des émissions de méthane

En parallèle de cette innovation d’ordre génétique, Karla Cordero a aussi revu en profondeur les pratiques agronomiques de la riziculture, notamment en réduisant par quatre le nombre de graines plantées par hectare. Mais le principal changement a consisté à adopter un système d’irrigation, plutôt que de conserver le modèle par inondation qui domine aujourd’hui. « Les plants bénéficient ainsi de plus d’oxygène, ce qui leur permet de mieux développer leurs racines », explique la spécialiste.

Si cette nouvelle technique se distingue par son rendement (environ 12 tonnes par hectare), elle présente également d’importants avantages écologiques. La consommation d’eau est divisée par deux et les émissions de méthane sont beaucoup plus faibles. Un résultat non négligeable, la riziculture étant responsable d’environ 10 % des émissions mondiales de ce gaz à effet de serre, extrêmement néfaste pour l’environnement.

Bientôt en France ?

Ce changement de paradigme pourrait doper la culture du riz au Chili, qui a périclité ces dernières années en raison de l’essor de la fruiticulture, bien plus rentable. Le pays a produit 120 000 tonnes de riz en 2023-2024 grâce à ses 18 000 hectares de rizières, mais Karla Cordero estime que cette surface pourrait être multipliée par dix. « Face aux promesses du riz Jaspe et des nouvelles pratiques agronomiques, de nombreux céréaliers vont commencer à changer leurs habitudes et à inclure le riz dans leur rotation des cultures », prédit-elle.

Le projet chilien pourrait même trouver un écho dans d’autres pays, notamment le nôtre. Présentée à la fin de 2024 à Montpellier, à seulement quelques dizaines de kilomètres de la Camargue, berceau du riz à la française, cette initiative aurait fait forte impression. « C’est le futur, garantit Karla Cordero, qui évoque une première commercialisation du riz Jaspe en 2025. Le dérèglement climatique ne nous laissera pas d’autre choix que de développer une agriculture plus respectueuse de l’environnement. »

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